Elle ouvre les yeux. Quelle heure peut-il être ? La lumière Passe par les fenêtres, sans volet ni rideau... Elle n'est pas chez elle. En tournant la tête elle regarde le corps de l'homme avec qui elle a passé la nuit... elle se souvient.
Elle se rappelle la soirée entre amis. Ils ont parlé, ils ont bu. Ils ont ri, ils ont bu. Puis, ils ont décidé d'aller danser. Et ils ont ri, plus encore ; et ils ont bu, plus encore ! Elle dansait, de tout son corps dont l'énergie débordait, explosait ! Elle ne songeait à rien, profitant simplement de la soirée, de l'ambiance vivante, vibrante. Le sourire aux lèvres, accroché à son visage heureux, son corps ondulait, se déhanchait, vrillant l'espace sur les rythmes endiablés, rebondissait encore et encore. Puis, un autre corps, suant, moite, à l'odeur d'alcool et de tabac, collé au sien. Et une harmonie instinctive, charnelle les unit sur la piste de danse. Le rythme va s'alanguissant, et sans se voir, ils s'abandonnent à cette reconnaissance venue du fond des âges, bestiale, inconsciente, naïve, et pleine d'une candeur enfantine. L'alcool les aide à n'être plus que muscles, peaux... mains qui se mêlent et s'attachent... mains qui partent à la découverte de la peau, du corps... Et les regards aimantés qui scellent un pacte muet.
Elle se souvient l'avoir suivi lorsque, la tenant par la taille, hanche contre hanche... main dans la main... il la mena sur un canapé dans un coin sombre. Elle se souvient de la joute labiale, tactile, gustative qui s'ensuivit. Elle se souvient de ce désir impératif annihilant toute conscience, toute raison.
Elle se souvient... à pieds, dans les rues. Ses mains qui perçaient veste, pull, pantalon... sa peau frémissante, son corps qui se pâme sur le capot d'une voiture. Et le désir, brûlant, crescendo, si intense, ce désir de sentir la Vie ruisseler en elle, la parcourir, lui insuffler les ondes originelles.
Elle se souvient... une porte, un couloir, long, parcouru en un seul être tant leurs souffles se confondent à présent... rauques, accélérés. Sa porte, ouverte dans un fracas assourdissant... un nouveau couloir, embarassé d'autant d'obstacles auxquels s'ajoutent bientôt leurs vêtements épars, abandonnés au rythme d'un effeuillage maladroit. Leurs désirs s'embrasent. Toute notion autre n'existe plus. Seul le plaisir les guide dans des caresses, des cris, des gémissements, des ondulations comme si une musique encore les unissait, les soudant l'un à l'autre. Elle se souvient qu'elle a joui... une fois, puis une autre... encore, encore... s'arc-boutant, tendue entre ciel et terre. Elle se souvient de son plaisir, à lui... de ses lèvres sur son sexe, de sa bouche sur ce pavillon fier et éphémère... parcouru de pulsions... elle se souvient de la sensation de pouvoir, de puissance conféré par ce geste d'abandon... réciproque... de ses mouvements de reins, lorsqu'il se tendait vers elle pour alors éjaculer en un feulement rauque, primitif.
Elle se souvient des odeurs âcres de sueurs, des parfums intimes de chacun, des couleurs dans la lumière du couloir... Elle ne se souvient pas s'être endormie.
Ce matin, elle sourit à ces images, à ces sensations, se sentant vivante, si vivante ! Elle a envie de lui dire merci... mais, doucement, elle glisse hors des draps, sort du lit, sort de la chambre... explorant les lieux, elle revêt ses vêtements, et, sans se retourner, elle sort de cet appartement... sort de chez lui, sans connaître son nom.